Par Denis Barsalo, membre fondateur – Première publication 2022
Depuis le dernier article que j’ai écrit sur les MontreAlers à l’automne 2004, beaucoup de choses ont changé. Tout d’abord, il ne reste que très peu des membres originaux qui participent de façon régulière. Cela peut être dû au fait qu’il y a tellement plus d’options pour la bière artisanale aujourd’hui qu’il y avait y’a 20 ans et qu’ils ont abandonné le brassage à domicile, ou peut-être que leurs vies sont devenues trop occupées avec la famille, le travail et d’autres responsabilités, ou peut-être que la nouveauté a disparu pour eux. Quoi qu’il en soit, je pense que ces premiers membres fondateurs méritent une grande reconnaissance pour ce qu’ils ont accompli en créant et en développant le club de brassage amateur MontreAlers.
Le brassage amateur au début des années 2000
Le club a continué pendant plusieurs années à fonctionner comme un groupe de brasseurs amateurs, se réunissant une fois par mois chez quelqu’un et occasionnellement dans un pub de la ville, pour échanger des idées, des recettes, des conseils et des astuces. À l’époque, les principales boutiques de bière artisanale étaient Gordon’s Cave à Vin à N.D.G., Bootleggers à St-Anne-de-Bellevue, La Choppe à Barrock au centre-ville de Montréal et Atelier Bière et Vin sur la Rive-Sud. Gordon’s a fermé et Nathan McNutt, qui travaillait chez Gordon’s depuis longtemps, était aussi un des premiers MontreAler et un partisan du club. Il a fini par travailler à la Vinotèque de Dollard-des-Ormeaux et a soutenu les membres du club en leur offrant des rabais et des occasions d’obtenir des produits à bas prix ou gratuits lorsque la société a commencé à se débarrasser de ses vieux stocks.
Nous faisions régulièrement des achats groupés de céréales directement auprès de Canada Malting ou de Gilbertson & Page, car il n’était pas possible d’acheter en gros dans les boutiques. Je pense que notre première commande groupée de céréales consistait en environ 35 sacs de différents malts que nous avons répartis entre les membres. Le houblon était généralement acheté de la même manière auprès de producteurs/distributeurs américains et les choix n’étaient pas aussi variés qu’aujourd’hui. C’était bien avant l’engouement pour les IPA américaines et les houblons Citra, Amarillo, Mosaic, Magnum et autres variétés plus récentes n’étaient pas encore disponibles. Je pense que le houblon le plus exotique disponible à l’époque était le Pride of Ringwood et nous commencions tout juste à entendre parler de Nelson Sauvin.
En ce qui concerne la levure, il n’y avait certainement pas la grande variété disponible aujourd’hui en termes de levure sèche. Il y avait surtout des Coopers, Nottingham et Windsor, et si je me souviens bien, la plupart d’entre nous brassaient principalement avec des levures liquides de WYeast. Après la sortie de la S-04 et, peu après, de la US-05, certains d’entre nous ont commencé à utiliser de la levure sèche de temps en temps.
D’autres achats groupés étaient parfois effectués pour de l’équipement ou des produits de nettoyage et d’assainissement ; en gros, tout ce qui concerne le brassage amateur et pour lequel une remise sur le volume pouvait être obtenue. Je me souviens avoir acheté des gallons d’iodophore pour la désinfection et des seaux de nettoyant « Solid » d’une entreprise locale appelée Atomes, qui est un produit fabriqué localement, similaire au PBW mais moins cher. J’ai participé à des commandes groupées de raccords rapides Colder, de fûts, de bouteilles, de touries, de tout et n’importe quoi !
Durant cette époque, le club a également vu certains de ses membres transformer leur hobby en carrière. En 2004, Nathan McNutt, qui a brièvement brassé à Brutopia, est devenu le brasseur à la microbrasserie Réservoir (un brewpub montréalais sur la rue Duluth) et à l’été 2006, Benoit Mercier, qui était copropriétaire, est devenu le brasseur en chef de Benelux, au coin de Sherbrooke et Jeanne-Mance. Depuis, plusieurs autres membres ont fait le saut vers le brassage professionnel et je connais très peu de brasseurs maison qui n’ont pas songé à « devenir pro » après avoir connu un certain succès en tant que brasseur amateur.
Changements au sein du club dans les années 2010
En 2009, certains membres ont envisagé de constituer le club en société, de demander une cotisation et de rendre le club plus « officiel ». À l’époque, nous n’avions pas d’administrateurs ni de structure, et nous étions très flous quant à savoir qui faisait quoi pour qui. Plusieurs de nos membres étaient également membres des Members of Barleyment (MOB), un club de brasseurs amateur basé à Ottawa qui consistait principalement en une présence virtuelle via une liste de diffusion. Nous avons pu nous servir de leur serveur de messagerie et avons hébergé notre propre liste de diffusion pendant plusieurs années déjà. En fait, c’est ainsi que le groupe a commencé à se développer rapidement. Les réunions commençaient à être bondées et les événements étaient rapidement complets en raison de leur capacité. L’idée de rendre le club plus structuré a suscité de vives récriminations de la part de plusieurs membres originaux, dont certains se sont retirés et n’ont plus jamais participés, tandis que d’autres pensaient que c’était la meilleure direction à prendre si nous voulions que le club grandisse et prospère. Nous avons fait remarquer qu’un club officiellement constitué en société nous donnerait plus de pouvoir pour obtenir des parrainages et éventuellement faire pression sur le gouvernement pour modifier certaines des lois désuètes sur l’alcool qui nous interdisent de faire certaines choses en tant que brasseurs amateurs, comme partager des bières et organiser certains événements.
À l’automne 2010, le MontreAlers Homebrewing Club a été enregistré et incorporé avec Anthony (Jaf) Wilson, Teklad (Tico) Pavisian et Denis Barsalo comme ses trois officiers (président, vice-président et secrétaire/trésorier). Cela nous a permis d’ouvrir un compte bancaire et de commencer à élaborer la première version de nos statuts. Nous avons tenu notre première AGA officielle le 7 mai 2011 à la brasserie Brouhaha où environ 40 membres se sont présentés et où nos premières élections ont eu lieu. Les premiers administrateurs élus du club étaient Jaf comme président, Tico comme vice-président, Troy Needoba comme trésorier, Yannick Gingras comme secrétaire et Christian Savard comme membre à titre particulier.
Le club a continué à s’associer au « Canadian Amateur Brewers Association » (CABA) pendant quelques années encore, en prenant la responsabilité d’organiser l’évènement « March in Montréal » (MiM) de CABA, qui était un événement très populaire pour les brasseurs de la région de Toronto, Ottawa, Montréal et Halifax depuis plus de 20 ans. J’étais le directeur régional de CABA pour Montréal et j’ai dirigé la MiM de CABA pendant plusieurs années après que les organisateurs précédents, Graham Bigland et Deborah Wood, se soient retirés. L’événement consistait en une sorte de conférence sur un sujet lié au brassage, tenue le matin, suivie d’un diner et d’une visite en bus d’une malterie et/ou de plusieurs brasseries. Il y avait également une compétition intégré à l’événement et, les années où Graham et Deborah l’ont organisé, la journée comprenait un souper de remise des prix au retour en ville après la visite en bus.
Je crois que la première année où j’ai organisé l’événement, Greg Noonan est venu de Burlington Vermont pour parler des défis de devenir professionnel. Lors d’un autre MiM, nous avons eu Peter McAuslan qui a parlé de son expérience personnelle en ouvrant l’une des premières microbrasseries à succès du Québec. Une année, le président de la CABA, Paul Dickey, nous a guidés dans une dégustation de bières trafiquées pour nous aider à identifier des saveurs et défauts qui pourraient régulièrement se retrouver dans une bière. J’ai toujours tenté d’organiser ces événements dans un nouveau brouepub de Montréal afin de montrer aux gens de l’extérieur ce que nous avions à offrir. Je crois que pendant les années où j’ai dirigé « March in Montréal », nous avons eu des conférences chez Dieu du Ciel, au Réservoir, à Brutopia, à L’Amère à Boire, et même au restaurant Académie sur St-Denis où leur politique BYOB nous a permis de faire une dégustation guidée de diverses bières ambrées québécoises. Lorsque j’ai pris la relève, j’ai décidé que le diner deviendrait notre remise de prix pour le concours et j’ai supprimé le souper de l’événement.
Le concours comportait habituellement une catégorie appelée « Look-a-like » qui était une tentative d’impliquer l’une des brasseries et brasseurs que nous allions visiter après le diner. Cette catégorie était jugée par la brasserie et le prix était remis à la brasserie pendant la visite. Certaines des bières que je me souviens avoir essayé de copier étaient « Coeur d’Or » de la défunte brasserie « Le Chaudron », « La Maudite » et « La Blanche de Chambly » d’Unibroue, et « St Ambroise Pale Ale » de McAuslan. Ces bières étaient parmi les plus populaires à l’époque et les brasseurs amateurs aimaient essayer de les reproduire chez eux. Toutes ces bières ont été jugées par le brasseur, le propriétaire ou le personnel de chaque brasserie et le prix a été décerné au brasseur amateur qui s’est le plus approché de la bière en question. L’événement et la compétition ont continué à avoir du succès, affichant complet chaque année et voyant bien plus de 200 bières dans la compétition. J’ai commencé à assister aux événements de la CABA à Montréal (MiM) et à Toronto dès 1995 et j’ai rencontré de plus en plus de brasseurs montréalais, dont la plupart sont devenus des MontreAlers.
Finalement, la CABA a commencé à s’essouffler et les MontreAlers ont jugé préférable de ne plus s’associer avec elle. Au lieu de cela, ils ont commencé à organiser leurs propres concours et leurs propres visites guidées en bus le jour de l’assemblée générale annuelle, dans le but d’attirer davantage de personnes à l’AGA et, si possible, de participer et de se porter volontaires pour les postes du conseil d’administration.
Le présent et l’avenir
Lorsque j’ai commencé à juger des concours de bière maison à la fin des années 1990, la tâche était un peu plus facile car il n’y avait généralement qu’une, deux ou trois bières exceptionnelles dans une volée de huit bières ou plus. Il était généralement assez évident de savoir qui méritait l’or, l’argent et le bronze, et quelles bières obtiendraient la note minimale pour avoir complètement échoué. Ce que j’ai remarqué au fil des ans, c’est qu’avec les informations disponibles sur Internet et le soutien de clubs de brassage tels que les MontreAlers, la qualité des bières artisanales s’est considérablement améliorée et il est devenu beaucoup plus difficile de juger un lot de bières. Aujourd’hui, les médailles d’or sont souvent attribuées à des bières qui obtiennent un score supérieur à 40 (sur 50 points disponibles) et si votre bière n’obtient pas un score supérieur à 30, vous avez très peu de chances d’obtenir le bronze. J’ai souvent passé beaucoup plus de temps à débattre avec d’autres juges pour savoir quelle bière méritait une note plus élevée, car on se retrouve souvent avec plusieurs bières dans la fourchette de 38 à 42 points qui, à l’époque, auraient facilement gagné l’or mais qui, aujourd’hui, ne sont peut-être même pas médaillées.
La disponibilité de l’équipement de brassage à domicile a également progressé, de plus en plus de brasseurs utilisant des fermenteurs coniques, des systèmes automatisés, des installations de type Grainfather, des systèmes Brew-in-a-bag, etc. Cela permet de rationaliser le procédé et de le répéter plus facilement, ce qui donne au brasseur amateur la possibilité de reproduire des brassins réussis ou de les perfectionner.
Les styles ont également évolué grâce à la disponibilité de nouveaux houblons à acide alpha élevé, de houblons aux arômes allant du pin à l’ananas et de levures telles que la Kveik. De plus en plus de brasseurs amateurs se lancent dans les NEIPA troubles fortement houblonnées, les bières acides, les ajouts d’épices, d’herbes, de fruits et de légumes. En fait, il n’y a pas de limites à la créativité que j’ai pu observer récemment. Lorsque je pense à l’époque où les IPA américaines étaient considérées ayant « repoussé les limites », je ne peux m’empêcher de rire à ce qui pourrait être la tendance dans les années à venir.
Ces dernières années, nous avons assisté à une croissance phénoménale du nombre de membres, à des événements exceptionnels tels que le très populaire IronAler ou à des conférences avec des intervenants de premier ordre tels que John Palmer (How to Brew), Stan Hieronymus (« For the Love of Hops »), Raphael Sanregret (InnoMalt), Alex Bastien (Houblon Bastien), Eric Abbott (Lallemand yeast) et Chris Saunders (Escarpment Labs).
Malheureusement, en 2020, nous avons également assisté au décès de certains de nos anciens membres, dont certains remontent aux premiers jours du club. L’année dernière, nous avons perdu Mike Ward, que j’ai rencontré lors des événements de la CABA au milieu des années 1990 et qui est devenu l’un des premiers MontreAlers, Stephen Silverthorne, également un des premiers MontreAlers, et Christopher Needleman, qui était membre du conseil d’administration depuis plusieurs années et président des MontreAlers au moment de son décès.
Le club continue de se développer avec un nouveau site Web, un forum en ligne pour remplacer notre ancienne liste de diffusion, de nouveaux brasseurs qui nous découvrent et veulent apprendre et échanger des idées, des commanditaires qui s’ajoutent, des événements, des conférences et des compétitions de plus en plus importantes et de meilleure qualité. Il semble que l’avenir du club soit entre de bonnes mains avec l’intendance qui est maintenant en place et les MontreAlers sont bien placés pour maintenir le club en vie et en croissance pour plusieurs années à venir.